Tezos ou Ethereum, quelle blockchain choisir pour les entreprises ?
Les ressemblances entre les blockchains Ethereum et Tezos, qui en font des concurrentes directes l'une de l'autre, poussent de nombreuses personnes à se demander laquelle de ces deux plateformes choisir. En effet, ces dernières sont conçues pour permettre le déploiement des smart contracts (ou contrats autonomes) et le fonctionnement des dApps (applications décentralisées). Mais si ces deux blockchains ont une proposition de valeur et des objectifs communs, elles se démarquent l'une de l'autre dans leur approche concrète des défis auxquels fait face l'univers des blockchains.
Origine commune, approches différentes
Pensées en parallèle à la fin de l'année 2013 par deux individus qui ne se connaissaient pas, ces deux plateformes ont pour origine un constat, celui des limites du protocole Bitcoin. Ces limites touchent aux aspects de flexibilité et de scalabilité (mise à échelle) de la blockchain mère. Car si Bitcoin est une innovation révolutionnaire, elle demande à être améliorée, voire surpassée. Et ce dépassement constitue l'objectif initial des plateformes Tezos et Ethereum. Vitalik Buterin, informaticien russo-canadien derrière Ethereum, et Arthur Breitman, mathématicien franco-américain à l'origine de Tezos, comprennent donc les limites du Bitcoin, et se vouent à les repousser.
Ils publient, respectivement, leur livre blanc fin 2013 et début 2014. Lancée en 2015, le réseau Ethereum est la première plateforme capable d'exécuter des smart contracts et donne ainsi naissance à un écosystème sans précédent dans l'histoire du Web, composé de développeurs, d'utilisateurs, d'entrepreneurs et de passionnés de la décentralisation. Le réseau Tezos, lui, a été mis en ligne en 2018, avec quelque retard sur sa roadmap dû aux problèmes juridiques et internes nés de ce qui, en 2017, fut la plus fructueuse ICO (Initial Coin Offering) de la jeune histoire des crypto actifs, lui permettant d'empocher l'équivalent de plus de 230 millions de dollars.
Profitant de son retard pour observer le développement de son concurrent, Tezos s'est efforcé de devenir une alternative plus stable, plus sécurisée et permettant une utilisation massive avec une empreinte carbone négligeable (en 2021, le réseau a consommé l'équivalent en énergie de 17 familles). Aujourd'hui, les différences principales entre ces deux concurrentes résident en ceci que Tezos a opté pour un modèle de gouvernance opposé à celui de Ethereum, critiqué pour son manque de prise en compte des avis utilisateurs.
L'approche on-chain choisie par Tezos confère à son réseau la capacité d'entreprendre des mises à niveau du protocole sans frictions pour les utilisateurs. Le modèle off-chain choisi par Ethereum, ne l'empêche aucunement de mettre à jour son protocole et de le faire évoluer, mais il peut, comme en 2016, conduire à un schisme de la blockchain ou hard fork, ce qui est dommageable pour les utilisateurs.
Néanmoins, Ethereum jouit d'une communauté bien plus vaste que Tezos. Composée de développeurs, d'utilisateurs et d'entrepreneurs, elle permet une émulation qui n'a pas son pareil dans l'univers des blockchains. En outre, l'immensité de l'écosystème construit sur Ethereum lui donne un avantage compétitif unique sur Tezos, qui, en comparaison, souffre d'un manque de ressources, tant humaines que financières.
Enfin, le langage de programmation utilisé par Tezos, le Michelson, est reconnu comme plus sûr en termes de sécurité que le Solidity, sur lequel repose Ethereum. C'est spécifiquement pour parer aux piratages dont certaines dApps construites sur Ethereum ont fait les frais que le Michelson a été conçu. Pour rappel, la hack de MakerDAO en 2016 avait conduit à une perte d'environ 50 millions de dollars, et celui du protocole dforce, en 2020, à une perte de 25 millions.
Ce qu'en pensent les premiers intéressés
Plutôt que de comparer simplement ces deux blockchains, il est crucial d'identifier les cas d'utilisation spécifiques et les domaines où chacune excelle. L'identification des besoins de l'entreprise est donc cruciale pour parvenir à un choix éclairé. Pierre de Conihout, cofondateur de l'agence de développement de projets ERA2140, spécialisée dans le Web3 et la blockchain, explique : "Ethereum est plus robuste, sécurisée et décentralisée que Tezos grâce à l'adoption de la norme Ethereum Virtual Machine (EVM). Sa grande communauté de développeurs et sa documentation complète en font la plateforme préférée des constructeurs et investisseurs Web3, avec un grand nombre d'adresses uniques et une valeur totale verrouillée significative par rapport à Tezos. Ethereum est donc la plateforme la plus convaincante pour la construction d'applications décentralisées et de contrats intelligents."
De son côté, Bilal El Alamy, PDG et cofondateur des PyratzLabs, a préféré développer son dernier projet en date (DOGAMI) sur Tezos. "Nous voulions construire une application décentralisée destinée à l'adoption de masse, et Tezos était, lors du lancement de notre projet, la plateforme avec la meilleure scalabilité [mise à échelle] et les frais d'utilisation les plus faibles. En plus, cette blockchain a la capacité de se mettre à jour et d'offrir de nouvelles possibilités sans créer d'instabilité ou de frictions sur son réseau."
Margaux Bonetti, responsable des relations publiques et des partenariats chez Crypto Blockchain Industries (CBI) coupe la poire en deux : "Il est important de noter que chaque blockchain a sa propre communauté, sa propre technologie, son écosystème d'applications et son adoption dans différents secteurs. Le choix entre Tezos et Ethereum dépendra des besoins spécifiques de chaque entreprise, tels que les cas d'utilisation prévus, les exigences de sécurité, les besoins en évolutivité, la flexibilité de programmation et la communauté de développeurs." Et de conclure : "Est-ce que vous recherchez une blockchain plutôt scalable ou plutôt décentralisée ?" Ce qui revient à demander, choisirez-vous Tezos, ou bien Ethereum ?