Rupture conventionnelle collective : pour qui, indemnités...
Depuis la réforme du Code du Travail lancée en 2017, les entreprises peuvent recourir à la rupture conventionnelle collective. Cela diffère d'une rupture conventionnelle individuelle, d'un plan social ou d'un licenciement économique.
Pimkie, SoLocal, IBM, PSA... en 2018, de nombreuses entreprises se sont déclarées intéressées par la mise en place d'une rupture conventionnelle collective. Le grand public a entendu parler de ce terme pour la première fois le 31 août 2017, lors de la présentation des ordonnances visant à réformer le Code du Travail. A cette occasion, la ministre du Travail de l'époque, Muriel Pénicaud, avait annoncé la mise en place d'une rupture conventionnelle collective. Une surprise, puisque ce point n'avait visiblement pas été abordé lors de la phase de négociation. De même, le projet de loi d'habilitation ne faisait pas référence à la mesure.
La rupture conventionnelle collective est en vigueur depuis le 22 décembre 2017. Ce dispositif reste encadré par la loi afin d'éviter les plans sociaux déguisés ou encore d'éventuelles discriminations contre les seniors.
Quel est l'objet de la rupture conventionnelle collective ?
La rupture conventionnelle collective est une procédure de départ volontaire de plusieurs salariés d'une entreprise. Il s'agit en fait d'une transposition au niveau collectif de la la rupture conventionnelle individuelle. Elle doit être prévue par un accord collectif. L'employeur doit informer l'autorité administrative, en l'occurrence la DREETS (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités), qui a remplacé la Direccte, dès l'ouverture des négociations dans le but de conclure une rupture conventionnelle collective. Il doit ensuite lui faire valider l'accord collectif négocié avec les représentants des salariés. La validation intervient dans les 15 jours à réception de l'accord.
La rupture conventionnelle collective n'est pas extrêmement détaillée dans le Code du Travail, qui laisse la négociation collective en déterminer de nombreux aspects. En revanche, l'accord collectif doit comprendre un grand nombre d'éléments, afin de formaliser la rupture :
- Nombre maximal de départs envisagés et durée durant laquelle les départs peuvent être engagés dans le cadre de l'accord
- Conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier
- Modalités de transmission et d'examen des candidatures, de conclusion d'une convention avec chaque salarié et de rétractation
- Modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié
- Mesures visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement des salariés
- Conditions d'information du Comité social et économique (CSE) sur le projet de rupture et sur son suivi.
Qui est concerné par la rupture conventionnelle collective ?
Toutes les entreprises peuvent recourir à la rupture conventionnelle collective, quelle que soit leur taille ou leur statut juridique, et quel que soit le nombre de départs envisagés. Elles n'ont pas besoin d'invoquer un argument économique pour y procéder. La rupture conventionnelle collective peut par exemple avoir lieu dans certains cas de restructuration ou de négociation, pour lesquels l'entreprise ne peut pas, ou ne veut pas, passer par un licenciement collectif.
Tous les salariés peuvent être concernés. L'entreprise peut décider de ne cibler que certaines catégories de salariés, ce qui doit être précisé par l'accord collectif. En revanche, l'employeur s'engage au maintien de l'emploi. En clair, tous les salariés ciblés par l'accord peuvent intégrer la rupture conventionnelle collective, mais il faut qu'ils soient volontaires. Les salariés qui ne peuvent pas partir ne peuvent pas être obligés à quitter l'entreprise dans ce cadre, ni être licenciés ultérieurement. En effet, le Code du travail prévoit à l'article L. 1237-19 que l'accord collectif qui encadre la rupture conventionnelle collective exclut "tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d'emplois". Pour les salariés protégés, la validation par l'inspection du travail est nécessaire.
Quelles sont les indemnités pour une rupture conventionnelle collective ?
Les indemnités de rupture conventionnelle collective sont librement déterminées dans le cadre de la négociation collective. Elles ne peuvent cependant être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement économique.
Elles sont exonérées de cotisations sociales dans la limite de deux PASS (Plafond annuel de la Sécurité sociale). Elles sont aussi exonérées partiellement de CSG et de CRDS. La partie inférieure au montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel (ou en l'absence d'un tel accord, par la loi, ou la partie inférieure à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) est exonérée. La fraction supérieure à ce montant est incluse dans l'assiette de la CSG-CRDS, et elle ne peut dans tous les cas être inférieure à la fraction de l'indemnité soumise à cotisations sociales. Exception : si l'indemnité est supérieure à dix fois le montant annuel du PASS (cinq pour un mandataire social), elle est soumise aux cotisations sociales et à la CSG-CRDS dans son intégralité. Par contre, cette indemnité est complètement exonérée de forfait social et d'impôt, quel que soit son montant.
Rupture conventionnelle collective et loi travail
Cette notion de rupture conventionnelle collective est détaillée dans la troisième ordonnance réformant la loi travail, intitulée "ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail". Il est écrit noir sur blanc qu'un employeur voulant recourir à ce dispositif doit remplir un dossier qui détaille différentes conditions (voir ci-dessus).
Les ordonnances ont été signées le 22 septembre 2017 par Emmanuel Macron. Cependant, la rupture conventionnelle n'a pas pu immédiatement être mise en vigueur. En effet, le texte est repassé par le Parlement pour un vote solennel. C'est depuis le 22 décembre 2017 (date de la parution du décret d'application au Journal officiel), qu'il est officiellement possible de recourir à ce type de rupture du contrat de travail.
Rupture conventionnelle collective : senior
L'ordonnance précise qu'il ne n'est pas possible d'utiliser la rupture conventionnelle collective pour se séparer de salariés seniors : "l'administration s'assure de l'absence de discrimination entre les salariés de l'entreprise, notamment en raison de l'âge". Si une discrimination générationnelle est soupçonnée, la DREETS peut refuser d'homologuer la rupture conventionnelle.
Rupture conventionnelle collective et chômage
La rupture conventionnelle collective donne droit à l'assurance chômage (comme dans le cadre d'une rupture conventionnelle classique). En cela, elle se distingue de la démission (même si le gouvernement a ouvert l'assurance chômage aux salariés démissionnaires dans certaines conditions). En revanche, il n'est pas possible de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui ne s'applique que dans le cas du licenciement économique.
Rupture conventionnelle collective et PSE
Les syndicats ont une crainte vis-à-vis de la rupture conventionnelle collective. Elle pourrait permettre selon eux aux employeurs de contourner les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). Ce qui pourrait s'avérer avantageux, puisque ces derniers comportent des obligations de taille pour l'employeur : obligation de reclassement, actions de formations... Pourtant, le décret d'application explique qu'il n'est pas possible d'utiliser un plan de rupture conventionnelle collective dans le cadre d'un PSE.
Pour Muriel Pénicaud, ministre du Travail lors de la réforme de la loi Travail, il n'est de toute manière pas possible de faire passer une rupture conventionnelle collective pour un PSE : "Il y a le double verrou de l'accord avec les syndicats et du volontariat. Il est donc impossible pour un employeur d'imposer cela". (propos tenus sur Europe 1 le dimanche 7 janvier 2018).