Réforme de l'apprentissage : zoom sur les changements introduits
La loi Avenir Professionnel est entrée en vigueur en septembre 2018. Elle comporte une réforme de l'apprentissage, dans le but de le favoriser.
En même temps que la formation professionnelle et l'assurance chômage, l'apprentissage a été réformé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Elle comporte une dizaine de mesures à destination des apprentis. La plupart ont pris effet pour les contrats d'apprentissage conclus à partir de 2019.
Quel âge pour devenir apprenti ?
- L'apprentissage est accessible jusqu'à 30 ans (29 ans révolus), alors qu'auparavant, l'âge limite variait de 25 à 30 ans selon les régions
- Cet âge peut être repoussé dans certaines conditions (prolongation de contrat ou rupture de contrat indépendante de la volonté de l'apprenti), jusqu'à 31 ans (30 ans révolus) pour les contrats conclus entre 2019 et le 31 mars 2020, jusqu'à 35 ans (34 ans révolus) pour les contrats conclus depuis le 1er avril 2020 - pour ces derniers, cela s'applique aussi en cas de rupture de contrat pour inaptitude physique temporaire. Il n'y a pas de limite d'âge si l'apprenti est travailleur handicapé, sportif de haut niveau, envisage de reprendre une entreprise nécessitant l'obtention d'un diplôme, ou, pour les contrats conclus depuis le 1er avril 2020, si l'apprenti n'a pas obtenu son diplôme ou son titre professionnel (auquel cas, l'apprentissage peut être prolongé d'un an maximum avec un nouveau contrat chez un nouvel employeur)
- L'âge minimum est toujours de 16 ans, 15 ans si l'apprenti atteint 16 ans avant le 31 décembre de l'année scolaire en cours.
Hausse de la rémunération
Les rémunérations des apprentis ont été revalorisées d'une trentaine d'euros pour les apprentis de moins de 21 ans, et pour ceux à partir de 26 ans. Elles s'élèvent désormais à :
- Pour les apprentis de 16 et 17 ans : 27% du Smic (415,64 euros) en première année, 39% du Smic (600,37 euros) en deuxième année, 55% du Smic (846,68 euros) en troisième année.
- Pour les apprentis de 18 à 20 ans : 43% du Smic (661, 95 euros) en première année, 51% du Smic (785,1 euros) en deuxième année, 67% du Smic (1031,41 euros) en troisième année
- Pour les apprentis de 21 à 25 ans : 53% du Smic (815,89 euros) ou 53% du salaire minimum conventionnel en première année ; 61% du Smic (939,04 euros) ou 61% du salaire minimum conventionnel en deuxième année ; 78% du Smic (1 200,74 euros) ou 78% du salaire minimum conventionnel en troisième année. A chaque fois, c'est le montant le plus élevé qui est retenu. Ces chiffres sont les mêmes qu'avant la réforme.
- Pour les apprentis de 26 ans et plus : le montant le plus élevé entre le Smic (1 539,42 euros) et le salaire minimum conventionnel.
Les avantages fiscaux institués avant la réforme perdurent : aucune cotisation salariale retranchée du salaire (pour les contrats conclus depuis 2019, cela n'est cependant valable que jusqu'à 79% du Smic), exonération de CSG, de CRDS, d'impôt sur le revenu dans la limite du Smic.
Réforme de l'apprentissage et rupture du contrat
Le contrat peut toujours être rompu unilatéralement par l’employeur ou l'apprenti durant les 45 premiers jours. Au-delà, il peut toujours être résilié d'un commun accord, ou par l'étudiant s'il obtient son diplôme avant la date prévue (à condition d'en informer l'employeur un mois avant), mais la réforme simplifie les modalités de rupture unilatérale pour l'employeur. Il n'a en effet plus besoin de passer par les Prud'hommes, il peut rompre le contrat pour faute grave, inaptitude, force majeure et exclusion définitive de l'apprenti du centre de formation des apprentis (CFA), en respectant la procédure de licenciement pour motif personnel. L'apprenti, lui, doit saisir le médiateur s'il souhaite résilier le contrat de façon unilatérale.
Les apprentis bénéficient cependant d'une avancée suite à la rupture de contrats, puisqu'ils ont le doit de rester en formation six mois après la rupture du contrat s'ils n'ont pas trouvé de nouvel employeur. Ils bénéficient alors du statut de stagiaire de la formation professionnelle, conservent leurs droits sociaux et sont rémunérés par la région ou l'Etat.
Aide au permis de conduire
Les apprentis, quel que soit le diplôme qu'ils préparent, peuvent désormais bénéficier de 500 euros d'aide pour passer le permis de conduire, à condition d'avoir au moins 18 ans. Le gouvernement a par ailleurs promis de rechercher, en lien avec les régions, des partenariats pour obtenir des forfaits à moindre coût à ces apprentis. L'aide doit être demandée à son centre de formation des apprentis qui communique ensuite les démarches à accomplir. L'aide peut être demandée avant le début des cours, sur présentation du contrat signé avec l'auto-école, ou après, sur présentation d'une facture de moins d'un an.
L'aide forfaitaire est attribuée une seule fois à l'apprenti. Elle est cumulable avec toutes les autres aides perçues par le bénéficiaire, y compris les prestations sociales, et n'est pas prise en compte pour la détermination des plafonds de ressources du foyer fiscal de rattachement de l'apprenti pour le bénéfice des prestations sociales.
L'accès au programme Erasmus + facilité par la réforme
S'il n'était pas complètement impossible, le départ des apprentis à l'étranger via le programme Erasmus + s'avérait extrêmement compliqué. La loi de 2018 le facilite, dans le but d'inciter les apprentis au départ. Il est désormais inscrit dans la loi que le contrat d'apprentissage peut être exécuté en partie à l'étranger, durant au maximum un an, à condition que la durée d'exécution du contrat en France soit d'au minimum six mois. Durant cette période, l'entreprise ou le CFA est seul responsable des conditions d'exécution du travail. L'apprenti est soumis aux règles du pays d'accueil en ce qui concerne notamment la santé et la sécurité au travail, la rémunération, la durée du travail, le repos hebdomadaire et les jours fériés. Il est possible de conclure une convention entre l'apprenti, l'employeur en France, l'employeur à l'étranger, le CFA en France et, éventuellement, le CFA à l'étranger. L'apprenti peut partir à l'étranger pour une période de stage en entreprise ou une période mixte stage et étude en établissement de formation, pour une durée de deux semaines à douze mois.
Réforme de l'apprentissage et rôle des CFA
La loi entend favoriser la création de campus des métiers et des qualifications, des regroupements d'établissements d'enseignement secondaire et d'enseignement supérieur, de formation initiale ou continue, construits autour d'un secteur d'activité correspondant à un enjeu économique national ou régional, soutenu par la collectivité et les entreprises. Il en existe actuellement 95. Elle crée notamment le label "Excellence", qui répond aux mêmes critères que les Campus des métiers et des qualifications avec un niveau d'exigence plus élevé pour certains d'entre eux.
Par ailleurs, la loi a créé les prépas apprentissage. Il y a aujourd'hui environ 1 000 sites en France métropolitaine et ultramarine. L'objectif est de permettre aux jeunes insuffisamment préparés de réussir leur entrée en apprentissage et réduire le taux de rupture des contrats d'apprentissage. La durée peut varier de quelques jours à un an.
La loi désigne de nouvelles missions aux CFA : accompagner les personnes, y compris en situation de handicap, souhaitant s'orienter ou se réorienter par la voie de l'apprentissage ; permettre aux apprentis en rupture de contrat la poursuite de leur formation pendant six mois tout en les accompagnant dans la recherche d'un nouvel employeur ; faciliter l'intégration des personnes en situation de handicap, via la désignation d'un référent handicap ; encourager la mobilité nationale et internationale des apprentis, avec la désignation d'un référent mobilité.
Le financement des CFA évolue : il se fait désormais au contrat, et depuis janvier 2020 n'est plus assuré par les régions mais par les opérateurs de compétence.
La création des CFA est par ailleurs simplifiée, il n'y a plus besoin d'accord administratif de la Région préalable à l'ouverture d'une section d'apprentissage ou d'un CFA. L'objectif était aussi de simplifier l'évolution pédagogique. Il reste obligatoire de de se rapprocher de l'organisme en charge de la certification du diplôme ou du titre pour prendre connaissance des référentiels de la formation, des modalités d'évaluation et de passage des examens avant de proposer une nouvelle formation.
Un nouvel organisme de formation souhaitant dispenser des formations par apprentissage doit également solliciter un code UAI (Unité Administrative Immatriculée) auprès des services de l'Education nationale. Cependant, les opérateurs de compétence peuvent lancer la prise en charge financière sans attendre l'enregistrement du contrat. Des formations plus courtes peuvent aussi être effectuées dans le cadre de l'apprentissage.
Réforme de l'apprentissage et obligation de meilleure information
La loi inscrit l'obligation d'une meilleure information, dès le collège avec plusieurs journées d'information dédiées à l'apprentissage, aux métiers et aux filières ; et auprès des apprentis potentiels, avec la communication progressivement de données sur les CFA et la filière apprentissage : taux d'insertion dans l'emploi, taux de succès au diplôme, taux de poursuite d'études, voire salaires des jeunes en emploi pour chaque CFA et lycée professionnel.
Chronologie de la réforme de l'apprentissage
Quelques pistes avaient été lancées par le président de la République lors d'un déplacement dans un lycée professionnel à Egletons le mercredi 4 octobre 2017. Les travaux préparatoires de la réforme avaient débuté le 12 octobre, jour où Emmanuel Macron recevait les représentants syndicaux à l'Elysée pour donner officiellement le coup d'envoi des négociations, obligatoires depuis la loi Larcher de 2007 sur le dialogue social.
Le vendredi 10 novembre, le coup d'envoi officiel de la réforme de l'apprentissage avait été donné par Muriel Pénicaud (ministre du Travail), Jean-Michel Blanquer (ministre de l'Education nationale) et Frédérique Vidal (ministre de l'Enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation). Quatre groupes de travail avaient été mis en place sur le parcours de l'apprenti, l'apprentissage en entreprise, le financement de l'apprentissage, l'offre de formation et de certification.
Les groupes composés d'experts ont rendu leurs conclusions le lundi 29 janvier 2018. Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l'emploi au Conseil économique et social a remis un gouvernement un rapport. Partant de ce rapport, Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, accompagnés de Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer ont présenté les grandes pistes de la réforme le 9 février 2018. Elle a été officiellement présentée au Conseil des ministres en avril 2018, pour un vote dans le courant de l'été et une entrée en vigueur le 5 septembre 2018.
Mesures spéciales liées au Coronavirus
Le gouvernement a dévoilé en juillet dernier un plan de relance à destination des jeunes, d'un montant de 6,5 milliards d'euros, pour faire face à la crise économique engendrée par la Covid-19. Plusieurs mesures concernent l'apprentissage :
- Aide financière de 5 000 euros pour le recrutement d'un apprenti mineur, 8 000 pour un apprenti majeur, dans le cadre de contrats préparant à un diplôme jusqu'au niveau Master. Pour les contrats signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021, cette aide sera versée aux entreprises de moins de 250 salariés sans condition, et aux entreprises de plus 250 salariés à la condition qu'elles s'engagent à atteindre le seuil de contrats d'apprentissage ou de contrats de professionnalisation dans leur effectif en 2021, faute de quoi elles devront rembourser les sommes perçues
- Prolongation à six mois du délai de signature d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise pour les apprentis entrant en formation entre le 1er août et le 31 décembre 2020. Le CFA qui les accueille durant cette période est financé pour leur formation.
- Possibilité pour les CFA de financer l'achat de matériels numériques dans le cadre de l'aide au premier équipement
- Offre garantie d'au moins une proposition d'apprentissage à chaque jeune qui a fait un vœu sur Parcoursup ou Affelnet pour aller en apprentissage.
Les Régions, qui assuraient auparavant le financement de l'apprentissage, ont cependant alerté le gouvernement sur leur crainte de voir disparaître au moins 700 CFA sur les 1200 existants, François Bonneau, président délégué de Régions de France, a expliqué lors d'une conférence de presse en septembre, que la réforme accordait "aux très grands groupes pour des raisons qui ne sont pas essentiellement de formation, mais de business, la possibilité de peser sur l'organisation de la carte de l'apprentissage pour leurs propres intérêts".