Prise d'acte : définition, démarche et prise d'effet
Un salarié victime des agissements de son employeur et qui ne peut continuer à exercer son emploi peut signifier à la direction une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. Dès lors, il n'est plus tenu de se rendre sur le lieu de travail.
Définition et conditions de la prise d'acte
Une prise d'acte de rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat de travail unilatérale prise par le salarié et confirmée par décision de justice. Elle est possible pour les salariés en CDI comme en CDD et peut s'effectuer à tout moment sauf en période d'essai.
La prise d'acte se justifie par tout manquement de l'employeur vis-à-vis de son salarié qui rend impossible la poursuite du travail :
- Discrimination ou harcèlement commis par l'employeur
- Non-paiement de tout ou partie du salaire
- Modification du contrat de travail sans l'accord du salarié
- Absence d'organisation des visites médicales obligatoires (sauf si l'absence de visite médicale est due à une simple négligence de l'employeur)
Précision : dans un arrêt du 9 octobre 2013, la Cour de cassation précise que les faits commis après la prise d'acte ne peuvent venir justifier la rupture du contrat de travail.
Comment faire une prise d'acte ?
Il n'y a pas de démarche formelle stricte vis-à-vis de l'employeur pour signifier la prise d'acte mais le salarié doit obligatoirement lui adresser un courrier afin de lister la liste des manquements qui ont conduit à la prise d'acte. L'employeur doit alors remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et, en cas de dispositifs de participation, d'intéressement et des plans d'épargne salariale au sein de l'entreprise, un état récapitulatif de l'ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées
Lors de sa prise d'acte, le salarié saisit le conseil des prud'hommes du lieu où il travaille, lequel va devoir définir s'il a agi en considération de raisons valables.
Prise d'acte et prud'hommes
Lorsqu'un salarié saisit les prud'hommes dans le cadre d'une prise d'acte, l'affaire est directement portée devant le bureau du jugement. Ce dernier dispose d'un mois pour statuer sur le cas, sans phase de conciliation.
Il décide soit que la prise d'acte est justifiée par des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit que ces manquements ne sont pas suffisamment graves pour justifier la prise d'acte. La prise d'acte est alors requalifiée en licenciement injustifié ou en démission.
Conséquences de la prise d'acte
La prise d'acte entraîne immédiatement la suspension du contrat de travail et exempte donc le salarié de se rendre sur le lieu de travail pour occuper son poste. Il n'est pas non plus tenu d'effectuer la période correspondant à un préavis de licenciement ou à un préavis de démission.
En matière d'indemnités, si le juge reconnaît la légitimité de la prise d'acte, le salarié aura le droit de percevoir ses indemnités légales de licenciement, ainsi que les indemnités compensatrices de congés payés et de préavis. Il pourra aussi bénéficier de l'indemnité pour licenciement injustifié ainsi que des sommes éventuellement dues en cas de rupture du contrat de travail (primes, épargne salariale...).. En revanche, si le juge estime que la prise d'acte n'est pas motivée par des raisons légitimes, alors elle se verra reclassée en démission.
Prise d'acte et démission
La prise d'acte reconnue valide n'est pas considérée comme une démission. Elle ouvre au salarié les mêmes droits qu'un licenciement injustifié, à condition que le juge considère que les motivations du salarié étaient valables pour déclencher cette procédure. En revanche, si le juge estime que les manquements de l'employeur invoqués par le salarié ne sont pas suffisamment graves pour justifier une prise d'acte, alors celle-ci se transforme en démission.
Dans ce cas, le salarié ne percevra aucune indemnité mais, de surcroît, il devra verser à son employeur une indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme prévue en cas de clause de dédit-formation le cas échéant (lorsqu'une clause contractuelle prévoit que le salarié ayant bénéficié d'une formation coûteuse est obligé de rester au service de son employeur un temps défini). Il reçoit cependant ses indemnités compensatrices de congés payés, ainsi que, le cas échéant, les sommes éventuellement dues en cas de rupture du contrat de travail (primes, épargne salariale...).
Par ailleurs, si le salarié envoie une lettre de démission à son employeur (que ce soit une lettre de démission d'un CDI ou une lettre de démission d'un CDD), il a la possibilité, à condition d'agir rapidement, de requalifier celle-ci en prise d'acte, notamment lorsque le salarié émet des réserves ou rapporte un litige avec son employeur ou bien des griefs suffisamment graves dans sa lettre de démission, ou qu'il est révélé que le salarié n'avait pas clairement la volonté de rompre son contrat et qu'il a subi des pressions pour démissionner.
Prise d'acte et Pôle Emploi
Qu'elle soit classée comme "licenciement sans motif réel et sérieux" ou comme "démission", la prise d'acte n'ouvrira pas les mêmes droits à l'allocation de retour à l'emploi (ARE). S'il s'agit d'un licenciement, les indemnités chômage seront immédiates après 7 jours de carence. En cas de démission, le dossier sera réétudié au bout de 121 jours non indemnisés. Dans tous les cas, il faut attendre la décision du conseil des prud'hommes pour pouvoir prétendre à une allocation chômage : tant que l'instance n'a pas statué, le salarié est démissionnaire aux yeux de Pôle Emploi.
Prise d'acte d'un salarié protégé
Un salarié protégé a le droit d'effectuer une prise d'acte, mais les conséquences vont être différentes dans son cas. Si sa prise d'acte est jugée valide, elle produit les effets d'un licenciement nul. Son employeur doit alors lui verser :
- Une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
- Une indemnité compensatrice de congés payés et de préavis
- Une indemnité pour licenciement nul, qui peut être supérieure à celle d'un licenciement injustifié et n'est pas plafonnée
- Et, si applicables, les autres sommes qui peuvent être dues lors d'une rupture du contrat (épargne salariale, primes...).
Prise d'acte : article du code du travail
La prise d'acte est une procédure juridique née de la jurisprudence, notamment par la Cour de cassation en 2003 (Cass. soc., 25 juin 2003, no 01-42.335), et qui s'est construite au fil du temps et de la jurisprudence. Elle n'est pas réglementée précisément par le Code du travail, celui-ci la mentionnant uniquement à l'article L1235-3-2(V) depuis une loi de 2014 (loi 2014-743). Cette dernière spécifie que le conseil des prud'hommes dispose d'un mois à compter de sa saisine pour statuer sur la prise d'acte.
Prise d'acte et transaction
Un salarié ne peut pas revenir sur sa prise d'acte une fois qu'elle a été notifiée à l'employeur. En revanche elle n'est pas incompatible avec une transaction. Cette procédure résulte d'un accord entre le salarié et l'employeur suite à un conflit, sans attendre de jugement. Elle est établie sous la forme d'un contrat, souvent appelé protocole transactionnel, rédigé par écrit et signé par le salarié et l'employeur. Elle peut notamment être établie avant une procédure contentieuse devant les Prud'hommes ou durant celle-ci, ce qui correspond donc à la prise d'acte. Cependant, la prise d'acte est une procédure qui dure au maximum un mois. Si l'employeur et le salarié décident de mettre en place une transaction avant la décision du conseil des prud'hommes, il leur faut donc agir rapidement.
Une fois le protocole transactionnel signé, il est envoyé au conseil des prud'hommes pour homologation. Soit celui-ci l'accepte, et cela éteint toute procédure contentieuse, soit il refuse de l'homologuer, par exemple parce qu'il estime que cet accord désavantage une des deux parties, et la procédure prud'hommale va alors à son terme de façon normale.
Prise d'acte et résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire est une alternative à la prise d'acte, moins risquée pour le salarié. En effet, dans ce cas de figure, le salarié ne quitte pas son poste mais demande au conseil des prud'hommes de résilier son contrat de travail, en justifiant les manquements graves qu'il reproche à son employeur. Durant la procédure, le contrat de travail se poursuit normalement.
Si l'instance statue en faveur du salarié, le contrat est rompu et la rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou comme un licenciement nul pour les salariés protégés, comme lors d'une prise d'acte. Cette rupture prend effet le jour de la décision. Le contrat peut par ailleurs être rompu d'une autre façon (licenciement, démission, rupture conventionnelle...) durant la procédure.
Cependant, si les prud'hommes rejettent la demande de rupture, le salarié reste en poste : il n'a donc dans ce cas pas à verser d'indemnité à son employeur et garde son travail. Si un licenciement a été effectué durant la procédure, le conseil des prud'hommes statuera sur sa validité après avoir rejeté la demande de résiliation.
N'importe quel employé en CDI peut demander une résiliation judiciaire. En revanche, en CDD, cela n'est possible que pour une faute grave ou en cas de force majeur. L'employeur ne peut demander la résiliation judiciaire que dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, si l'apprenti a commis une faute grave durant les 45 premiers jours.