Réussir son divorce, étape par étape
Par où commencer ? Que faire avant de divorcer ? Faut-il se faire accompagner, et par qui ? Le JDN vous guide dans ce moment de transition.
Un divorce est souvent vécu comme un échec ou une catastrophe. Il est néanmoins possible de "réussir" son divorce, d'éviter les souffrances pour toutes les parties, enfants compris. Pour cela, il est primordial d'être bien accompagné, de s'appuyer sur un avocat spécialiste du droit de la famille, formé à la négociation, voire d'un coach spécialisé dans les séparations et la reconstruction. Deux coachs et une avocate nous donnent les clés pour parvenir à une séparation réussie.
Pourquoi est-ce si douloureux de divorcer ?
"Divorcer est généralement douloureux pour celui qui porte la décision comme pour celui qui finit par l'accepter, explique Caroline Kruse, conseillère conjugale depuis plus de vingt ans et auteure du tout récent Le savoir-vivre amoureux (Editions du Rocher). La rupture, est toujours vécue comme une mutilation, poursuit-elle. Quelque chose semble s'arracher. Ce que l'on perd dans un divorce, c'est tout le tissage du quotidien et aussi souvent une bonne partie du réseau amical du couple."
Peut-on vraiment réussir son divorce ?
"On nous a appris à nous marier et à fonder une famille. Mais la société ne nous a pas appris à nous reconstruire après une déconstruction de la vie de couple, explique Sandrine Mercy, coach divorce certifiée CDC (pour Certified Divorce Coach) et spécialisée dans l'aide et le soutien après un divorce ou une séparation. Or, l'échec d'un couple est le début de quelque chose de nouveau. C'est un processus vers une transition de vie, qui demande de s'organiser et de s'adapter. Et d'admettre que le passé appartient au passé."
Comment réussir son divorce ?
"On lit parfois que, faute d'avoir réussi leur couple, les gens devraient au moins ne pas rater leur divorce, sourit Caroline Kruse. C'est-à-dire se quitter en adultes responsables. On en arrive à ce paradoxe, où bien se séparer signifierait que l'on a été un "bon" couple ! Si l'exigence de performance atteint aussi ce domaine, c'est beaucoup demander aux couples. Donc pour 'réussir son divorce', il me semble qu'il convient d'abord de ne pas s'en vouloir si on n'y arrive pas tout à fait, pas tout de suite."
-
Faut-il se faire accompagner ?
"Comme le cheminement est difficile et souvent très long, se faire accompagner à deux par un conseiller conjugal peut permettre de mieux comprendre ce qui a abouti à cette décision, explique Caroline Kruse. Cette démarche commune aide aussi à ne pas recolorer en noir ce qui a été vécu ensemble. Néanmoins, la plupart du temps, la demande est individuelle. Il s'agit de se retrouver dans une identité séparée et de mieux la cerner. Ne serait-ce que pour ne pas reproduire à l'avenir le même schéma relationnel."
-
Pourquoi prendre un coach ?
"Le coach va devenir votre partenaire. Il va vous apporter de la clarté afin de vous éviter de tomber dans les pièges classiques du divorce et de la séparation, affirme Sandrine Mercy : laisser les autres prendre les décisions à votre place, jeter l'éponge, replonger dans une nouvelle relation trop vite, etc. Il vous aide à reprendre le contrôle sur votre vie. Un divorce, ce n'est pas tant la perte de l'autre que la perte de son identité. Le coach permet d'éliminer les incertitudes et les peurs."
-
Faut-il prendre un avocat ?
"Il est obligatoire en France d'être accompagné par un avocat, que l'on soit dans un divorce judiciaire ou par consentement mutuel, rappelle maître Sophie Tougne, avocate au Barreau de Paris et spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. Et il faut, de préférence, choisir un spécialiste du droit de la famille. Son conseil permet d'être plus réaliste dans ses demandes et de savoir ce qu'on peut attendre et espérer. L'avocat va essayer de favoriser un accord équilibré et sécurisant plutôt que d'aller vers un contentieux."
-
Comment choisir son avocat ?
"Je travaille avec un réseau de plusieurs avocats, explique Sandrine Mercy, à qui l'on doit poser plusieurs questions, même si l'on est dévasté émotionnellement : comment définir précisément un budget, quel peut être le montant de la pension alimentaire ou de la prestation compensatoire, etc. Les avocats ne sont pas des thérapeutes : ils sont là pour faire appliquer le droit en fonction de votre situation et vous éviter de mener des batailles inutiles pour quelques euros par mois."
-
Divorce par consentement ou tribunal ?
"Le divorce par consentement est l'option la moins lourde, mais s'il y a le moindre contentieux, la décision d'un juge fixe un cadre sécurisant, explique Caroline Kruse. Un jugement protège toutes les parties de l'arbitraire, les conjoints comme leurs enfants. D'autant que la décision judiciaire stipule toujours qu'elle vaut "sauf meilleur accord". Ce qui signifie que les parents peuvent choisir d'évoluer vers plus de souplesse."
-
Qu'est-ce qu'un divorce réussi ?
"Un divorce réussi est celui qui opère un règlement complet du divorce, affirme maître Sophie Tougne. Il faut avant tout dédramatiser la situation et se concentrer sur son prolongement, c'est-à-dire le règlement et ses effets. Les avocats en droit de la famille possèdent une culture de la négociation et sont souvent formés aux techniques de la négociation raisonnée. Avant d'envisager le dépôt d'une requête ou d'une assignation en divorce auprès d'une institution judiciaire, les avocats vont essayer de chercher un accord."
-
Comment organiser son divorce ?
"Il faut d'abord être certain de sa décision lorsqu'on décide de se séparer de son conjoint, explique la coach Sandrine Mercy. Et lorsqu'on subit cette séparation, il faut admettre la nouvelle situation le plus rapidement possible, ne pas rester dans le déni et croire que tout va s'arranger mais admettre que chaque partenaire prend une direction différente. Plus vite on se met au clair sur cette réalité, plus vite on va pouvoir rentrer dans la phase d'organisation du plan de coparentalité."
-
Quels pièges faut-il éviter ?
"Eviter, même si c'est difficile pour celui ou celle qui 'subit' le divorce, de le penser en termes de coupable et de victime, affirme Caroline Kruse. Deux postures finalement assez humiliantes pour des gens qui se sont aimés ! C'est parce que le couple allait mal et qu'aucun ne se sentait plus assez heureux, ou capable de rendre l'autre heureux, que la séparation a eu lieu. Il faut aussi éviter de penser en termes d'échec. Il y a eu dans cette vie commune toute une construction à deux qui n'a pas été que malheur".
-
Il faut dialoguer !
"Avant tout, il est nécessaire de respecter l'autre et donc de se parler et s'écouter, recommande maître Sophie Tougne. Ce dialogue, qui peut transiter par les avocats ou un médiateur, doit déboucher sur des accords équilibrés, en permettant aux parties de faire preuve d'empathie, de se mettre à la place de l'autre pour aboutir à une solution acceptable pour les deux. Un accord équilibré entre les deux parties et acceptable pour les deux est la moins mauvaise des solutions, à court, moyen et long termes."
-
Et ne rien mettre "sous le tapis" !
"Il ne faut pas tricher et donc éviter de ne pas déclarer un certain nombre de biens ou de valeurs afin de payer par exemple moins de droits fiscaux, avertit maître Sophie Tougne. Car attention à l'effet boomerang ! Faire des économies de bouts de chandelle, en évitant de déclarer certaines choses, sera source de contentieux potentiels dans le futur. Et compliquera la vie future des deux parties. La liquidation du régime matrimonial peut être explosive dans l'après-divorce. Et le contentieux le plus explosif après divorce est celui des enfants !"
-
Comment l'annoncer aux enfants ?
"Il ne faut pas annoncer la séparation le jour-même de la prise de décision, affirme Sandrine Mercy. Mais attendre d'être organisé : savoir si les enfants vont devoir changer ou pas d'école, arrêter ou pas les activités scolaires, où ils vont vivre, en garde alternée ou pas, garder ou pas leurs copains, etc. Car les enfants aussi vont avoir à faire leur processus de deuil et ce qui les inquiète le plus, c'est l'incertitude. Il faut donc tout anticiper : cela évite les crises pour les enfants comme pour les parents."
-
Comment épargner les enfants ?
"Il faut veiller à ne pas prendre les enfants en otages, conseille Caroline Kruse : ne pas leur demander de choisir, ne pas les séparer de leur autre parent, en leur interdisant tout contact avec lui ou en le dénigrant. En s'attaquant au conjoint, c'est sa part dans l'enfant que l'on risque d'abîmer. Une part dont il ne peut, lui, se couper sans danger. A l'inverse, surjouer la bonne entente entretient un espoir de réconciliation qui ne peut que les déstabiliser. Il faut donc être le plus clair possible."
-
Comment protéger les enfants ?
"Ce sont eux qui souffrent le plus d'un divorce et cela laisse des traces dans leur vie future, rajoute l'avocate Sophie Tougne. Réussir un divorce, c'est garder une famille parentale après-divorce qui soit unie et respectueuse et faire en sorte que cela soit le moins compliqué possible pour les enfants. C'est déjà difficile d'élever des enfants dans une famille unie, cela l'est encore plus dans une famille de divorcés ! Les enfants, c'est le point le plus délicat et compliqué d'un divorce."
-
Comment se projeter dans l'avenir ?
"Il faut faire preuve, vis-à-vis de soi-même, à la fois d'indulgence quand on tombe dans la tristesse et aussi de confiance dans les ressources que l'on possède, conseille Caroline Kruse. 'Penser enfin à soi' est une bonne idée, à condition de ne pas en faire un impératif immédiat. Reprendre donc doucement des activités artistiques ou sportives que la vie de couple avait interrompues ou en découvrir d'autres. Et faire appel au soutien des amis et, au besoin, se faire aider par un professionnel."
-
Comment positiver ?
"Au début, c'est impossible d'être positif ! Mais on peut se reconstruire, affirme Sandrine Mercy. Dans les premiers temps, il faut accepter de ne pas aller bien, de ne pas supporter le choc. Je leur dis souvent : 'Vous n'êtes pas le divorce, vous n'êtes pas la situation'. Puis je leur propose des exercices pour aller mieux, s'apporter du bien-être, s'alléger, écarter les émotions qui font mal. Une fois accompagné, et que le processus de transition a débuté, tout va mieux en quelques mois."
Que va changer la réforme de janvier 2021 ?
"Cette réforme va raccourcir les délais et permettre de gagner du temps en harmonisant les règles générales de la saisie du tribunal judiciaire et en simplifiant les règles procédurales, explique maître Sophie Tougne. Elle offre une souplesse qui permet aux avocats d'adapter les demandes jusqu'au dernier moment, de trouver sur les mesures provisoires un accord même en dernière minute. Mais, pour réussir, elle doit permettre de continuer de respecter les principes fondamentaux des droits de la défense et le respect du contradictoire."