Les CBDC, les cryptomonnaies des banques centrales, sont aussi en plein boom
Les expérimentations de monnaies digitales de banques centrales se multiplient dans le monde. Toutes ne sont pas au même stade et ne rempliront pas les mêmes fonctions.
Les monnaies digitales de banque centrale, connues sous l'acronyme anglais CBDC, font l'objet de nombreux travaux à travers le monde, certains pays étant plus en avance que d'autres. Le JDN fait le point.
CBDC : c'est quoi ?
L'acronyme CBDC signifie central bank digital currency, ce qui en français donne "monnaie digitale de banque centrale" (MDBC). Il s'agit d'une forme numérique de monnaie fiduciaire (euro, dollar, yuan…) émise, contrôlée et réglementée par la banque centrale d'un pays ou d'une zone monétaire. Une CBDC a les mêmes fonctions qu'une monnaie traditionnelle : un moyen de paiement, une réserve de valeur et une unité de compte. Il existe deux types de CDBC :
- La CBDC de détail : destinée au grand public, en complément de la monnaie fiduciaire actuelle
- La CBDC interbancaire : accessible seulement aux banques pour le règlement et la livraison d'actifs financiers
Les monnaies digitales de banque centrale permettent notamment de réduire les coûts d'intermédiations, faciliter et baisser les coûts des paiements transfrontaliers, développer une société sans cash, lutter contre le blanchiment d'argent et la corruption, ou développer l'inclusion financière. Les Etats développés voient davantage les CBDC comme une alternative au cash et une opportunité de réduire les coûts tandis que les pays en voie de développement cherchent à rendre les services financiers plus accessibles aux citoyens.
Le développement des CBDC est en partie dû à l'accélération des projets financiers des Gafam et leur équivalent chinois, les BATX. "La BCE et les banques centrales nationales, qui composent l'Eurosystème, doivent se tenir prêts à émettre un euro digital pour le grand public si c'est nécessaire pour garantir la liberté de choix entre les moyens de paiement mais aussi préserver la souveraineté monétaire face au développement des big tech dans le domaine des paiements", confiait fin 2020 au JDN Denis Beau, sous-gouverneur de la Banque de France. Une des plus grandes menaces s'appelle le Diem (ex-Libra), projet initié par Facebook qui vise à créer un stablecoin adossé à plusieurs monnaies fiduciaires (un diem adossé à l'euro par exemple) et un autre adossé à un panier de devises. Suite à la publication de son document de présentation en juin 2019, de nombreux régulateurs ont exprimé leur inquiétude à travers le monde.
Les CBDC dans le monde
Une enquête menée en 2021 par la Banque des règlements internationaux (BRI) révèle que 86% des banques centrales étudient activement le potentiel des CBDC, 60% expérimentent cette technologie et 14% déploient des projets pilotes. Selon le cabinet PwC, plus de 60 banques centrales ont déjà exploré les monnaies digitales de banques centrales, qu'elles soient interbancaires ou de détail, depuis 2014.
Dans la première édition de son index dédié à la maturité des CBDC, PwC a établi un classement des monnaies digitales de banques les plus avancées (en séparant bien les projets interbancaires de ceux dédiés au grand public).
"Les projets transfrontaliers représentent la majorité des initiatives les plus avancées, permettant aux banques centrales de tester la connectivité transfrontalière et l'interopérabilité des projets, par exemple Hong-Kong SAR-Thaïlande, Singapour-Canada, Europe-Japon", indique PwC.
Un CBDC en Chine
La Chine est l'un des pays les plus avancés sur le terrain des CBDC, sachant qu'elle a commencé ses premières recherches en 2014. Dans un article paru dans Yicai Global, une publication soutenue par l'Etat, un porte-parole de la banque centrale chinoise, la PBOC, justifie la mise en place d'un yuan numérique car "les espèces ne sont pas faciles à utiliser, qu'elles sont faciles à contrefaire et qu'en raison de leur anonymat, elles peuvent être utilisées à des fins illicites." Emettre un yuan digital permettrait aussi de contrôler plus précisément les transactions en Chine et de diminuer la domination de deux géants du paiement Alipay (Ant Group) et WeChatPay (Tencent).
Le lancement d'un euro numérique pourrait intervenir dans quatre ans, selon Christine Lagarde
En 2020, l'empire du Milieu a commencé à expérimenter dans plusieurs villes son yuan digital avec des entreprises comme l'e-commerçant JD.com. Pour pousser les citoyens chinois à en posséder, les gouvernements locaux ont distribué des yuans numériques via une loterie. Il reste encore des zones d'ombre sur la possession et l'utilisation de ce yuan. La banque centrale chinois, la PBOC, a indiqué que les banques commerciales avaient déjà les infrastructures pour distribuer cette monnaie, ce qui sous-entend qu'elles s'en chargeront probablement, et pas la banque centrale. Pas d'indication non plus sur la forme même si on imagine que le QR code a de grandes chances d'être retenu étant donné sa popularité en Chine. Prochains tests à venir : des transactions transfrontalières avec d'autres banques centrales (Thaïlande, Emirats Arabe Unis et Hong-Kong) et l'utilisation lors des Jeux Olympiques d'hiver 2022, par les Chinois bien sûr mais aussi par les athlètes étrangers.
Un CBDC en Europe
L'Europe, ou plutôt la zone euro, se penche depuis plusieurs mois sur le sujet des monnaies digitales de banque centrale. Mais est bien loin du cas chinois. En octobre 2020, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé une consultation publique sur la création d'un euro numérique. Plus de 8 200 réponses ont été collectées, un record pour une consultation publique de l'institution. "Cette analyse confirme globalement nos premiers constats s'agissant d'un euro numérique : la protection de la vie privée est la principale préoccupation du public et des professionnels (43 %), suivie de la sécurité (18 %), de la possibilité de payer dans toute la zone euro (11 %), sans frais supplémentaires (9 %) et hors ligne (8 %)", est-il précisé dans un communiqué.
Cette consultation vient nourrir les travaux en cours qui permettront de décider d'ici mi-2021 s'il est nécessaire de créer un euro numérique. Si c'est un grand "oui", son lancement effectif pourrait intervenir dans quatre ans, selon Christine Lagarde, présidente de la BCE. Mais ce timing ne semble pas plaire à tout le monde. Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a déclaré en avril 2021 que l'Europe devait être "aux avant-postes" de la création d'une CBDC et "activement œuvrer" pour que cet outil de paiement voie le jour.
En dehors de la zone euro, la Suède est bien avancée. Le gouverneur de sa banque centrale, Stefan Ingves, a déclaré en avril dernier que le pays nordique pourrait disposer d'une monnaie digitale de banque centrale d'ici 2026.
Un CBDC en France ?
Fin mars 2020, la Banque de France a lancé un appel à candidature afin d'expérimenter l'usage d'une MDBC dans les échanges interbancaires. Trois cas d'usages sont proposés : le paiement en monnaie centrale contre livraison d'instruments financiers réels cotés ou non cotés, le paiement en monnaie centrale contre monnaie digitale d'une autre banque centrale et le paiement en monnaie centrale contre actifs numériques réels. Au total, la Banque de France a retenu huit candidatures, dont les chefs de fil sont Accenture, Euroclear, HSBC, Iznes (start-up blockchain), LiquidShare (projet blockchain cocréé par plusieurs acteurs financiers et institutionnels), ProsperUS (start-up blockchain), Seba Bank (crypto-banque suisse), Société Générale Forge.
En mai 2020, la Banque de France a testé l'utilisation d'une monnaie digitale de banque centrale
L'écosystème blockchain et crypto français a exprimé sa déception dans nos colonnes, du fait qu'elles soient majoritairement exclues de ces candidatures. Pour participer à l'appel à candidature, les start-up devaient s'allier à un acteur bancaire et prévoir un certain budget (les expérimentions n'étant pas rémunérées et tous les déplacements liés à celles-ci étant à la charge des candidats).
En mai 2020, la Banque de France a testé l'utilisation d'une monnaie digitale de banque centrale afin de régler une émission de titres financiers numériques effectuée par Société Générale Forge. Le tout sur une blockchain. En décembre 2020, l'institution bancaire a réalisé une autre expérimentation à des fins de règlement interbancaire avec Iznes, via une blockchain privée fournie par la start-up britannique Setl.
Les CBDC basées sur la blockchain
Une monnaie digitale de banque centrale n'est pas nécessairement basée sur la blockchain, la technologie sous-jacente à de nombreuses cryptomonnaies comme le bitcoin. Mais les banques centrales s'orientent tout de même vers cette option. L'index de PwC indique que plus de 88% des projets de CBDC, en phase pilote ou de production, utilisent la blockchain. "Son utilisation comme support technologique d'une monnaie centrale apporte des avantages notables comme une plus grande transparence des flux, la possibilité de configurer les caractéristiques de confidentialité ou encore d'augmenter l'interopérabilité avec d'autres actifs numériques", souligne les auteurs de l'index. La blockchain permet aussi d'exploiter les smart contracts, des programmes qui s'exécutent automatiquement suite à des conditions prédéfinies. Dans le cas des CBDC, elle permettrait donc de déclencher des paiements de façon automatique.
Traduction CBDC
Central Bank Digital Currency
The CBDC is the virtual representation of fiat money.
La CBDC est la représentation virtuelle d'une monnaie fiduciaire.