Tableau Software, l’outil de BI qui veut définitivement enterrer Excel
Tableau Software entend démocratiser l’usage de la Business Intelligence. L’éditeur américain mise pour cela sur l'ergonomie de son interface. Avec succès. Son outil est plébiscité, notamment en France.
Le 24 mai dernier, Tableau Software organisait sa première conférence utilisateurs dans un grand hôtel parisien à deux pas de la Tour Eiffel. 250 clients et experts étaient venus entendre la bonne parole de cet éditeur américain qui tente de tenir (enfin) la promesse de la Business Intelligence (BI). A savoir : réconcilier informatique décisionnelle, visualisation des données (dataviz) et démocratisation des usages.
Tableau Software : l'application SaaS à plus forte croissance en termes d'adoption derrière Slack
Avec brio apparemment. Selon le dernier baromètre d'Okta, Tableau Software est l'application SaaS qui connaît la plus forte croissance en termes d'adoption derrière Slack. Dans son quadrant magique, le Gartner la place parmi les leaders du marché de la BI aux côtés de Microsoft et Qlik. Et du coup, la société créée en 2003 par trois anciens étudiants de Stanford, affiche une croissance soutenue. En 2015, elle a réalisé plus de 653 millions de dollars de chiffre d'affaires, en hausse de 58 % en un an !
Rendre le contrôle des données aux utilisateurs
Comment expliquer ce succès ? Pour Yves Cointrelle, directeur de la stratégie et du développement de la Business Intelligence chez Viséo, "Tableau a, comme Qlick, réussi, par son approche tableau de bord et data discovery à ringardiser les ténors de la BI. Pourtant, après les rachats en 2007 de Cognos, Hyperion et Business Objects, le marché semblait verrouillé par IBM, Microsoft, SAP et Oracle."
"Sa cible, c'est presque l'utilisateur d'Excel", poursuit Yves Cointrelle. "Intuitif, son outil d'exploration des données peut aussi venir en complément des gros outils reporting."
Directeur Europe du Sud de Tableau Software, Edouard Beaucourt, insiste, lui aussi, sur la facilité d'utilisation. "Les utilisateurs veulent voir et comprendre leurs données par eux-mêmes sans avoir à transmettre leur demande à l'expert BI maison et attendre plusieurs jours ou semaines un rapport qui ne correspondra pas toujours à leurs attentes", souligne-t-il. Pas de script ni de code, l'utilisateur n'a plus qu'à - si on schématise - glisser-déposer des fichiers Excel, CSV, Oracle, Teradata ou SQL pour construire ses tableaux.
Stratégie du coucou
Tableau dénote aussi dans son approche commerciale. Adepte de la stratégie dite de "land and expand", l'éditeur cherche à convaincre les utilisateurs métier des directions achats, finance ou marketing. Des prospects qui commencent à tester gratuitement sa solution pendant 14 jours. Convaincus, ils prennent quelques licences... et la solution progresse ensuite dans l'entreprise. "Dans 98% des cas, nous rentrons dans l'entreprise par le biais des utilisateurs métier, sous le radar de l'IT", confirme Gilles Humbert, responsable des partenariats pour l'Europe du Sud de Tableau Software. Placée devant le fait accompli, la DSI ne revient dans la boucle qu'au moment du déploiement.
Tableau a banni la 3D et créé sa propre police de caractères
Au-delà d'un modèle de distribution direct, Tableau a noué, dans l'Hexagone, des partenariats avec les grandes sociétés de services spécialisées historiquement dans le décisionnel comme Keyrus, Micropole, Viséo ou Umanis. Si son bureau français n'est ouvert que depuis un an et demi, Tableau affiche de belles références dans le pays, comme La Poste, Mappy, le CEA, PSA, Criteo ou La Croix-Rouge.
Effet "waouh"
Pour séduire les utilisateurs métier, Tableau joue sur l'effet "waouh" que procure son interface graphique. Comme son nom le laisse à penser, Tableau soigne particulièrement l'esthétique et l'ergonomie de son outil. L'un de ses trois cofondateurs, Pat Hanrahan, a travaillé chez Pixar et ça se sent. L'équipe de R&D, de quelque mille personnes, emploie aussi des cogniticiens. Sur leurs conseils, Tableau a banni la 3D qui surcharge sans apporter de vraie valeur. Les couleurs sont choisies avec attention pour être visibles des daltoniens. Tableau a même créé sa propre police de caractères faute d'en trouver une qui lui convienne.
Pour la version 10 de sa solution qui sera lancée cet été, Tableau refondra une fois de plus son interface graphique (voir quelques captures ici). "Pas de barres ou de menus qui s'interposent, cette nouvelle mouture est conçue pour ne pas entraver la réflexion", avance Thierry D'Hers, vice-président en charge du développement produit chez Tableau. Pour ce Français expatrié aux États-Unis, la feuille de route s'annonce chargée. "Sur les deux années qui viennent, nous allons davantage investir dans le développement que depuis la création de la société. L'objectif est de livrer une release par trimestre."
Des tableaux de bord dans le cloud et les mobiles
La version 10 de Tableau introduira d'autres nouveautés. Répondant à la critique du Gartner portant sur la difficulté à incorporer des sources disparates, Tableau promet d'améliorer la publication de tableaux mêlant des données issues, par exemple, d'Excel et Oracle. De nouvelles sources sont aussi compatibles : Google Sheets, QuickBooks Online, Marketo, Eloqua, OData v4.
Tableau peut être hébergé sur les clouds d'Amazon ou Microsoft
Dans le cadre de la déclinaison de sa solution en mode cloud, Tableau travaille à ce que toutes les fonctionnalités de son offre desktop se retrouvent dans le navigateur. "La parité sera atteinte avant fin 2017", promet Thierry D'Hers. Et si Tableau dispose d'un data center à Dublin, sa version Tableau Online peut être hébergée sur Amazon Web Services et Microsoft Azure. Son portage sur Google Cloud Platform est en outre prévu d'ici la fin de l'année. Côté mobilité, Tableau annonce une application pour Android et un module, Device Specific Dashboard, qui permet de personnaliser la présentation en fonction du terminal qui l'affichera.
Quelques ombres au Tableau
Dans ce concert de louanges, percent toutefois quelques critiques. On a longtemps reproché à Tableau son temps de chargement. Il a, depuis, rectifié le tir en faisant l'acquisition en 2015 de HyPer, une base de données en mémoire qui lui permet d'accélérer les requêtes.
Grand absent de l'offre de Tableau : un outil de transformation de données
En revanche, selon Yves Cointrelle, Tableau pêche dans la gestion de la qualité de données. "Tableau est positionné sur le frontal, la dataviz. Il lui manque, en amont, un outil pour transformer les données comme PowerQuery pour Power BI chez Microsoft. L'éditeur pourrait racheter une société comme Alteryx mais cela ne semble pas être sa volonté", confie l'expert.
La délicate question du prix
Enfin, se pose la question des tarifs. Tableau est proposé 500 dollars par an et par utilisateur en mode cloud, 999 dollars en version desktop (et 1 999 dollars en version desktop étendue) et, enfin, à 10 000 dollars pour 10 utilisateurs dans sa déclinaison serveur. Tableau affiche des prix comparables à ses concurrents. A la différence près, souligne Yves Cointrelle qu'"il a moins de marges de négociation" n'ayant qu'un produit à vendre. "Oracle ou IBM peuvent, eux, faire des packages associant par exemples serveurs et BI et descendre très bas dans les niveaux de remise", précise le consultant.
Et puis, il y a l'épine Power BI qui est proposé par Microsoft à 8,40 euros par mois et par utilisateur et même gratuitement dans une limite de 1 Go par utilisateur. L'outil de Microsoft est aussi compris dans la suite Office 365. Ce qui pourrait faire pencher en sa faveur dans les entreprises qui ont déployé la suite bureautique de Microsoft.